Nathalie Beylot-Layens,  fondatrice et dirigeante de l’Ecole des Métiers de la Créativité,  Art-thérapeute, Superviseur, Artiste plasticienne.

 Extrait "Le réseau social des Bretonnes qui entreprennent !"

Mercredi, Octobre 12, 2016

 

Nathalie Beylot-Layens, directrice pédagogique de l'École régionale des Métiers de la Créativité Bretagne (29) : "le déclic c’est de croire, même si je passe pour une idéaliste, que demain peut être autrement, que je suis et fais partie du changement"

C'est l'histoire d'une éducatrice spécialisée qui a choisi d'aller au bout de ses rêves et de ses valeurs. Nathalie Beylot-Layens est une femme de Bretagne qui a choisi de croire en la vie et en l'humain pour s'accomplir et partager. Interview touchante et drôle d'une optimiste aussi généreuse qu'engagée !


Nathalie, tu es fondatrice de la première école régionale des métiers de la créativité. En quoi consiste cette structure ? Quelles formations y sont proposées ?


Je suis directrice pédagogique de la première École régionale des Métiers de la Créativité Bretagne dans les pratiques culturelles préventives et curatives (EMCB) qui se développe au sein d'une entreprise d'économie sociale et solidaire (la CAE29 Chrysalide) afin de véhiculer des valeurs humanistes et de bénéficier d'une synergie de coopération.

Cette école répond aux besoins croissants de professionnaliser des pratiques où l’art et la créativité sont mis au service du soin et du lien social. Pour l'instant, deux formations qualifiantes sont proposées pour devenir art-thérapeute ou animateur à médiation artistique. Ces formations s’inscrivent dans le cadre de la formation continue et dans une démarche de professionnalisation.
 

 

Comment est née l'initiative de créer cette école ?


J’ai toujours aimé partager sur les pratiques, les expériences, les connaissances. Regarder le monde autrement. J’ai toujours été attirée par les effets du partage des savoirs. Tout simplement parce que je crois que de partager nos connaissances donne naissance à d’autres connaissances, d’autres idées, projets, évolutions. C’est le principe de la croissance économique de la connaissance. La croissance de notre connaissance est infinie. Partager un bien immatériel (nos connaissances) c’est participer à faire évoluer, révolutionner notre rapport à soi, aux mondes, notre rapport à une économie. Quand je transmets un savoir, je ne le perds pas, par contre une autre personne en profite, voire à l’issue de cette rencontre naît un autre savoir, la découverte d’une autre connaissance. 1+1=3. C’est faire confiance au processus.

De fait j’ai toujours eu à cœur d’apprendre et de transmettre ce que j’apprends dans un flux infini. C’est donc avec cette valeur que j'ai dressé un constat : en Bretagne aucune structure ne proposait les formations d’art-thérapeute et d’animateur à médiation artistique, alors que des personnes désiraient se former sur ces métiers. L’idée de créer cette école est alors née.

 

Parallèlement, Nathalie, tu es art-thérapeute certifiée. En quoi consiste ton activité ?


Je crée une aire de jeu sécure, bienveillante, de création, de libre expression et d'expérimentation, de voyage, de poétisation, dans lequelle la personne va pouvoir oser être, sans se sentir juger. C’est une invitation à guérir, à dépasser ses difficultés quelles qu'elles soient, à lever les blocages en prenant en compte tous les moyens d’expression et de communication de la personne et en utilisant les effets de la création artistique comme processus thérapeutique.

Ma spécificité est d'allier mes compétences en sophrologie à l'art-thérapie ; et ma dernière formation en photothérapie vient enrichir cette alliance. Pour moi, si l’art-thérapie utilise des médias et processus artistiques comme des prétextes facilitateurs visant à animer des saveurs existentielles et à harmoniser l’être dans sa singularité, dans ses sensations, émotions, pensées, c’est avant tout une histoire de rencontre, de deux imaginaires, de deux processus de création, de deux personnes. Sans cette rencontre, il n’y a point de thérapie. L’art est un prétexte, un facilitateur à l’art-rencontre.

 

"Cela peut paraître prétentieux, mais le changement, c’est chacun d’entre nous qui pouvons le mettre en marche. J’en ai marre d’entendre râler et penser que c’est à l’autre de transformer le monde comme l’on imagine."



Avant de devenir art-thérapeute, tu étais éducatrice spécialisée. Comment est venue cette étape de transition ? Comment t'est venu le déclic pour "sauter le pas" ?


Cette question est délicate car ma réponse fait échos à un sujet sensible dans le milieu de l’éducation spécialisée. Je ne veux pas dénaturer mes propos, mais je ne veux pas non plus que l’on prenne mes expériences pour des généralités.

Etre éducatrice spécialisée est passionnant ; c’est un métier que j’adore, que j’aime, qui demande beaucoup d'énergie, de vitalité, de force mentale positive. Ce métier qui s'est professionnalisé est un métier d'engagement !!! Comment faire sinon, avec la souffrance et le manque de reconnaissance ? Le voir être transformé dans certains cas de façon à le dénaturer ? Et c’est parce que j’aime ce métier, que j’ai poussé mon coup de gueule à ma manière, parce que j’en ai eu marre de voir la maltraitance institutionnelle sur les professionnels et sur les enfants !! Me sentant de plus en plus impuissante face au dysfonctionnement, aux burn-out de collègues, aux comportements qui se rigidifient parce que certaines institutions semblent doucement se défausser, où s'infiltrent de manière insidieuse la violence, l’insécurité, l'impossibilité de réfléchir, l’injonction à une pensée unique, avec la conséquence d’une incapacité à créer, à penser notre travail, les évolutions à apporter en termes de projet d’accompagnement... Pour toutes ces raisons, parce que mon désir est de rester fidèle à mes valeurs morales et existentielles, d’accompagner de manière authentique, à partir de la personne, avec la personne dans une posture humaniste, centrée sur la personne dans la bienveillance et sans jugement, que j'ai choisi de poursuivre mon parcours professionnel au travers de deux formations : celle de sophrologue et celle d’art-thérapeute.

Mon désir, au début n’est pas forcément d’être entrepreneure, mais de me défaire de mes chaînes, pour envisager la possibilité de penser mon travail autrement et de pouvoir le partager ensuite en institution spécialisée.

Etre entrepreneure, je ne sais pas ce que c’est au moment où je décide de tout quitter pour me former !!! Je suis issue d’un milieu où nous sommes salariés, fonctionnaires… Par contre, je détiens en moi une force … Celle de croire en mes rêves et si j’ai une idée je la mets en œuvre et si cela doit passer par être entrepreneure…, je saute et j’apprends en même temps...

 

Donc le déclic c’est de croire, même si je passe pour une idéaliste, que demain peut être autrement, que je suis et fais partie du changement. Que je suis en capacité, de manière humble, de proposer, avec ce que je suis, mes compétences humaines et professionnelles, un cadre partageant mes valeurs pour des particuliers en difficulté, pour des professionnels et futurs professionnels. Cela peut paraître prétentieux, mais le changement, c’est chacun d’entre nous qui pouvons le mettre en marche. J’en ai marre d’entendre râler et penser que c’est à l’autre de transformer le monde comme l’on imagine. 




"Pour moi entreprendre c’est déjà croire en ses rêves, en l’humanité !!!! Se donner tous les moyens pour réussir. C’est une histoire de rencontres !!!"


Parallèlement, tu es aussi artiste. Comment parviens-tu à porter ces différentes casquettes ?

(Sourire) … Comment je fais ? Je crois qu’il y a des questions pour lesquelles je ne saurai pas répondre !!! Je n’en sais rien en fait. Je suis mon cœur, mon rythme. J’accepte quelquefois de mettre entre parenthèse certaines choses, jusqu’au moment où mes petites voix internes tambourinent et se mettent à dire que c’est à leur tour de se réaliser. Vous allez croire que je suis folle. Mais rassurez-vous, je suis consciente de ma folie !!! Mdr !!! Ne faut-il pas un peu de folie dans ce monde qui quelquefois se montre irrévérencieux !!! En fait, mon univers, "Terre de Scyamn", est né plus ou moins en même temps que la réalisation de mon changement. Spontanément je me suis mise à écrire et à faire vivre enfin mon univers de manière publique. Il est pour moi une autre manière de partager, de toucher, de transporter les personnes qui y sont sensibles, d’offrir un espace temps autre où tout se regarde autrement, c’est une invitation au voyage. Il est une autre manière de lire, de vivre et de raconter le monde. Je dirais que pour le moment, depuis un an et demi, "Terre de Scyamn" est en filigrane, en arrière-plan sans l’oublier et l’exclure de ma vie. Je participe au 
collectif de Baliz de Brest, ce qui me permet de garder contact avec mon moi artistique. Baliz de Brest étant un regroupement de plasticien(ne)s dont l’objectif est de rendre plus visible, de valoriser le métier, la richesse et l'apport des arts plastiques et visuels dans la cité et faciliter les partages des différentes pratiques. L'association véhicule la bienveillance, la coopération et la diversité et expérimente un mode de gouvernance partagé.
Après je fais confiance au processus, au temps. Ces moments où rien n’est produit de manière matérielle sont des moments riches qui nourrissent, laissent place à la naissance d’autres personnes, d’autres créations, comme Apolonia (personnage né cet été en vacances) nouvellement accueillie sur les Terres de Scyamn… Elle va regarder le monde non pas avec un crayon, mais au travers d’un objectif (photographie, vidéo). C’est ainsi qu’entre travail et réflexion, naissent et aboutissent de nouveaux désirs, de nouveaux projets artistiques, dont vous verrez les premiers travaux lors de séminaires.

 

Pour toi, entreprendre, c'est quoi ?


Bonne question… Je le découvre au fur et à mesure. C’est en fait vos regards, vos retours qui me font comprendre que je suis une entrepreneure. J’entreprends non pas parce que c’est mon modèle économique avec un fort désir d’enrichissement économique personnel, mais parce que c’est l’issue que j’ai trouvée pour donner vie à une longue réflexion personnelle et professionnelle et de transformer un rêve rempli de valeurs humanistes en réalité.

En fait dans ce voyage d’entrepreneure, je me reconnais comme entrepreneure-sociale. Parce que je souhaite combiner sens et performance, réussite individuelle et collective, pour pouvoir vivre de mon activité et partager équitablement cette réussite avec d’autres. Parce que je souhaite placer l'efficacité économique au service de l'intérêt général. Parce que mon projet relève pour moi de l'engagement citoyen et de mon désir de participer au changement, au débat citoyen avec ce fort désir de penser le monde autrement et d’emporter avec moi toute personne qui souhaite participer à ce beau projet.
Donc pour moi entreprendre c’est déjà croire en ses rêves, en l’humanité !!!! Se donner tous les moyens pour réussir. C’est une histoire de rencontres !!! Seul on va plus vite, à plusieurs on va plus loin !!!

 

Entreprendre c’est savoir fédérer autour de soi les personnes qui veulent participer à faire grandir et valoriser une idée, c’est oser prendre des risques, savoir ajuster, apprendre pour que son projet aboutisse, savoir écouter, entendre les signes qui nous disent "C’est le moment" ou "Ce n'est pas le moment" ; savoir s’entourer, être patient, ne pas se décourager, savoir traverser les tempêtes, se relever, apprendre à être bienveillant avec soi,  savoir se remettre en cause au service du projet. Ok, c’est pas toujours agréable, mais toujours se poser la bonne question : "Qu’est-ce que je veux?!!!" "Jusqu’où je suis prête à aller pour réussir ?" ; et reconnaître ses faiblesses pour y pallier.

Entreprendre c’est avoir une volonté farouche pour faire aboutir son rêve, le transformer de manière pérenne.
Entreprendre c’est savoir garder la positive attitude, quoi qu’il arrive !!! Et être positif/ve ne veut pas dire voir la vie en rose, c’est juste transcender nos expériences agréables ou pas en nouvelles connaissances nous menant vers la réussite.


Quels conseils donnerais-tu aux Femmes de Bretagne qui souhaitent se lancer dans l'entrepreneuriat ?

Être entrepreneure, c’est les montagnes russes. Donc accrochez-vous, ayez confiance en vous !!! Mais pas n’importe comment !!! Faites-vous conseiller, faites fonctionner vos réseaux, ne soyez surtout pas seules dans votre projet !!! Famille, amis, collègues, Boutique de Gestion, formations…. font partie intégrante de la réussite !!! Soyez honnêtes sur vos compétences et capacités, sur votre endurance : Restez dans votre domaine de compétences (reste à vous d'affiner et révéler vos compétences insoupçonnables et de les développer). Et apprenez à communiquer !!!! Être entrepreneure, c’est être au four et au moulin (surtout au début), c’est savoir communiquer sur son entreprise, s’organiser, se mettre des objectifs, prioriser les urgences, agir avec rigueur et flexibilité, sans cela vous aurez du mal à décoller !!!

 


Une interview menée par la Plume Virginie Le Gall
Plume pour Femmes de Bretagne
Experte en blogging pour Mamezell' en Finistère
Et blogueuse pour Mamezell' fait son reuz